Defense des Berges de Seine





La plus grande usine de sucre d'Europe et un méthaniseur s'installeraient sur le secteur de Moulineaux Grand-Couronne


POURQUOI NOUS OPPOSONS-NOUS À CE PROJET DE SUCRERIE GÉANTE À MOULINEAUX-GRAND-COURONNE


Notre association est implantée sur les communes de Moulineaux, La Bouille, Sahurs, Caumont, toutes quatre situées en bord de Seine, dans la Boucle de Roumare. Depuis 2005, elle se bat pour préserver l’environnement et les paysages de cette boucle de Roumare, site classé pour son caractère exceptionnel mais menacé par l’extension portuaire*.
 
Haropa a lancé un Appel à Manifestation d’Intérêt en 2020 sur 50 ha de friches industrielles sur Moulineaux – Grand-Couronne (38 ha Renault CKD+ 12 ha Novandie).

Un industriel de Dubaï, la société AKS, a été retenu pour s’installer, non seulement sur ces 50 ha mais aussi sur les 25 ha adjacents, actuellement naturels en aval, vers La Bouille (voir fig.1 & 2), soit une emprise en bord de Seine colossale de 75 hectares et qui est totalement hors d’échelle pour qui connaît le site.

Ce projet, qui a reçu le soutien de l’État, de la Région Normandie et de la Métropole Rouen Normandie, est une sucrerie géante, la plus grande d’Europe, pour produire du sucre blanc de betterave, raffiné et destiné à l’exportation, ainsi que du méthane.

CE PROJET EST UNE ABERRATION À PLUS D’UN TITRE !


Figure 1 : Emprise sucrerie - 75 ha


Figure 2 : vue sur les 25 ha aval du projet

*Article 2 des statuts Cette association lutte contre tous projets de toute nature ayant des conséquences négatives pour l'environnement, les milieux naturels (et la biodiversité qui y est associée) ainsi que pour la préservation de la qualité de vie existante des résidents des communes de Sahurs, La Bouille, Moulineaux et Caumont au sein de ce site naturel et touristique classé (nuisances visuelles, sonores, pollution atmosphérique, cadre de vie...) Elle mène toutes actions et interventions pour faire respecter les lois et règlements sur les espèces protégées, les périmètres sensibles, la protection de la nature, l'urbanisme, le patrimoine naturel, architectural et paysager dans le cadre de la législation en vigueur. Elle contribue à l'éducation populaire en matière d'étude et de protection de la nature

Au sommaire


1 - Les méga nuisances d’une méga sucrerie
2 - La Boucle de Roumare, un site classé
3 - Implanter une sucrerie loin des champs de betteraves est un non-sens
4 - Le problème de l’eau, les risques industriels et d’inondation
5 - À rebours des politiques agricoles du « monde d’après »
6 - Les sucreries françaises en danger de mort
7 - AKS : un groupe industriel qui pose question
8 - Le bioéthanol une solution qui n’en est pas une
9 - Les vraies fausses démarches vertueuses
10 - Les problèmes environnementaux liés à la culture de la betterave
11 - Les autorisations administratives
12 - Conclusion
13 - Paysage et patrimoine de la boucle de Roumare
14 - Process industriel


1 - Les méga nuisances d’une méga sucrerie

Une sucrerie émet des fumées, rejette des eaux usées très chargées en matières organiques et en matières en suspension ainsi que des gaz malodorants issus de la fermentation et de la méthanisation, fait beaucoup de bruit et fonctionne 24h/24 pendant la campagne sucrière, avec un ballet incessant de camions. Et pour cette méga sucrerie, ces aspects seraient 3 à 4 fois plus importants que pour une sucrerie française telle que celles d’Etrepagny (27) et de Fontaine le Dun (76) dans notre région.

Les riverains de cette installation verraient leur cadre de vie être extrêmement dégradé et subiraient tous les impacts négatifs que peut avoir un environnement bruyant et pollué sur leur santé. Les habitations les plus proches se trouvent à 200 m du site et l’école de Moulineaux à 250 m. Est-il nécessaire de rappeler qu’il est estimé que la pollution de l’air ambiant est responsable de 40 000 morts par an en France ?


Concernant le bruit sur le site du ministère de l’Écologie on peut lire ceci :
« Les impacts sanitaires de l’exposition au bruit sont divers, comprenant :
  • L’impact sur l’audition : effets auditifs comme la surdité, les acouphènes, l'hyperacousie (tolérance au bruit anormalement basse).
  • Les effets extra-auditifs dits subjectifs : gêne, effets du bruit sur les attitudes et le comportement social.
  • Les effets extra-auditifs dits objectifs : troubles du sommeil (camions 24h/24,7j/7), effets sur le système endocrinien, sur le système cardio-vasculaire, sur le système immunitaire, sur les apprentissages et sur la santé mentale. »

« Certaines populations présentent une vulnérabilité particulière à l’exposition au bruit : enfants en milieu scolaire en phase d’apprentissage, travailleurs exposés simultanément à différents types de nuisances ou substances, personnes âgées et personnes touchées par une déficience auditive, appareillées ou non. »

Pour limiter les nuisances et les transports, les sucreries se sont depuis toujours implantées près des champs de betteraves et loin des habitations. C’est une toute autre stratégie choisie et assumée par l’industriel de Dubaï. « Au lieu de construire une sucrerie dans les champs de betteraves, AKS sécurise sa filière logistique aval en s’implantant dans un port… » lit-on dans la presse.

Donc, « pour sécuriser sa filière logistique aval » l’industriel préfère s’implanter au plus près de centaines d’habitations, dans l’agglomération de Rouen, et loin des champs de betteraves ! Et peu lui importe les nuisances causées aux riverains de l’usine, aux habitants des villes et villages traversés par les camions sur plus de 100 km à la ronde et à toute l’agglomération rouennaise qui sera à portée des odeurs nauséabondes.

Les conseils municipaux des communes riveraines de Moulineaux, Sahurs, Hautot sur Seine et Val de la Haye ont déjà voté des motions d’opposition au projet. De plus, le conseil municipal de Saint-Pierre-de-Manneville indique qu’il « sera très attentif à tout projet susceptible d’impacter durablement la population, le paysage, l’environnement et plus globalement la qualité de vie des habitants de la commune et des communes voisines ». Plus récemment, lors de la réunion qui s'est tenue à Moulineaux le 18 mai 2022, se sont Madame la Maire de Grand-Couronne (Julie Lesage) et Monsieur le Maire de La Bouille (Jacques Meng) qui se sont prononcés publiquement contre ce projet. Aussi, des candidats à la députation de la 4ème circonscription de la Seine-Maritime (Caudebec-lès-Elbeuf, Elbeuf, Grand-Couronne, Le Grand-Quevilly, Maromme) s'opposent au projet, nous prenons note...

Alors que de nombreux efforts sont faits pour améliorer le cadre de vie des rouennais et urbains riverains, notamment l’interface ville-port, on traiterait alors les habitants des communes rurales comme des citoyens de seconde zone !


2 - La Boucle de Roumare, un site classé référence métropolitaine

Un tel complexe industriel (fig.3 & 4) est composé de bâtiments de 30 m de haut, d’un four à chaux d’une cinquantaine de mètres, de cheminée(s) de 70 m et de silos de 50 m de haut. Ce gigantesque complexe industriel défigurerait le paysage de la Boucle de Roumare, site classé en 2013 pour le caractère exceptionnel de ses paysages, au pied du château Robert le Diable pour lequel la Métropole de Rouen Normandie a récemment beaucoup investi afin d’en faire une attraction phare.

Cette même Métropole qui a également investi plusieurs millions d’euros il y a quelques années pour le chemin de halage qui fait face au site et qui est très prisé des promeneurs, touristes et cyclistes (et fait partie de l’itinéraire « La Seine à vélo » (www.laseineavelo.fr).


Figure 3 : Vue depuis le chemin de halage


Figure 4 : Le village de Moulineaux (950 hab.) en balcon sur le versant sera en vis-à-vis de l’usine couvrant 75 ha (emprise détourée en Jaune).

Ce complexe serait également situé en face du château de Trémauville et nombre d’autres monuments inscrits et classés aux Monuments Historiques (fig.5), aux portes du magnifique village de La Bouille candidat au concours du village préféré des Français 2022. Ne serait-ce pas là un déni manifeste de la protection qu’est censée représenter ces classements ?


Figure 5 : Carte des monuments classés

Par ailleurs, la Métropole mène des actions pour limiter la pollution lumineuse nocturne qui provoque de nombreuses perturbations notamment pour la faune et la flore. Or ce site industriel sera forcément éclairé 24h/24 et se trouve entre un corridor écologique et un site Natura 2000 (sur la rive salhucienne) (fig.6). Les communes de Sahurs, Hautot sur Seine et La Bouille font également partie du Parc Naturel Régional des Boucles de la Seine Normande.


Figure 6 : Carte de zonage

3 - Une sucrerie loin des champs de betteraves, une absurdité économique et écologique

La betterave est constituée à 75% d’eau. À l’heure où le bilan carbone doit être une préoccupation majeure des industriels, 4,5 millions de tonnes de betteraves devraient être acheminées sur le site ! Des chiffres vertigineux ! La mobilisation des 50.000 hectares nécessaires à cette production de betteraves amènerait à aller chercher ces betteraves jusqu’à 100 km, voire 150 km de la sucrerie. Les sucreries existantes sont toutes implantées au plus près des champs, pour limiter les transports et également parce que la teneur en sucre des betteraves diminue rapidement avec le temps. La distance moyenne de transport jusqu’à la sucrerie est en France de 32 km. On sera bien loin de cette logique !

Ce seraient des norias de camions chargés à 75% d’eau qui achemineraient les betteraves pendant les 4 mois de la campagne sucrière : 1 à 2 semi-remorques par minute, pendant 20 à 24 h par jour ! Et l’intention affichée par l’industriel d’utiliser le rail pour 60% de la production ne tient pas debout. Le réseau ferré est bien insuffisant pour ce faire et les ruptures de charges entre le champ, la gare la plus proche, et l’usine ne sont pas compatibles avec la nécessité d’un acheminement rapide de la betterave à la sucrerie. Celles existantes ne suffiraient pas et créer de nouvelles voies ferrées pour desservir des champs de betteraves est totalement irréaliste sur le plan économique ! A titre d’exemple la sucrerie d’Etrépagny, qui a pourtant une voie ferrée dédiée, n’utilise son infrastructure que pour le transport du sucre, l’acheminement des betteraves étant trop long et préjudiciable financièrement.


À ces flux rentrants, il faudra ajouter les retours des co-produits de la sucrerie vers les zones agricoles : peut être les pulpes issues de l’opération de diffusion du sucre et destinées à l’alimentation du bétail, mais principalement que tous les co-produits qui enrichissent les sols, à savoir les terres (450 000 T), les écumes (150 000 T), les vinasses issues de la méthanisation et les boues d’épuration.

Tous ces transports seront sources de pollution, de bruit jour et nuit, de consommation d’énergie fossile, et induiront des coûts très importants qui pèseront lourd dans le bilan financier de la sucrerie.


4 - Le problème de l’eau, les risques industriels et d’inondation

Une sucrerie génère une quantité astronomique d’eau malodorante et difficile à traiter (deux millions de m3 pour une telle production, 20.000 m3 /jour) soit par station d’épuration, soit en lagunage (il faudrait 200 ha), soit par épandage sur les champs (les eaux seraient évacuées à nouveau par des norias de camions ?).

Deux rivières traversent le site et 25 hectares nécessaires à la construction de ce complexe se trouvent dans le Périmètre de Protection Rapproché des captages d’eau de Moulineaux qui alimentent un tiers de l’agglomération rouennaise (fig. 7)
. Le risque de pollution de la Seine et du captage d’eau potable est réel !


Figure 7 : Carte rivières, captages et zone de protection

En avril 2020 sur un site sucrier du Nord à Escaudoeuvres (59) la rupture d’une digue de bassin de décantation a créé ce qui a été qualifié de « plus gros incident écologique depuis 20 ans » (pollution du canal de l’Escaut).

Par ailleurs, une partie du site et la voie d’accès se trouvent en zone inondable. Le tout récent rapport du GIEC confirme la prévision d’une hausse importante du niveau des océans et d’une augmentation de la fréquence et de l’intensité des évènements météorologiques extrêmes. La conjugaison de ces deux phénomènes accroîtra fortement le risque d’inondation, notamment dans les zones estuariennes soumises aux marées comme celle de la Seine jusqu’à Poses.


Selon une carte interactive mise en ligne par l’ONG étasunienne Climate Central, la zone industrielle de Grand Couronne/Moulineaux pourrait être en grande partie sous les eaux en 2050.

Il faut également savoir que les silos à sucre sont hautement explosifs car c'est un produit très pulvérulent. Voir la liste des accidents, dont une explosion au silo de sucre de Rouen en 1998.
Et on installerait un tel site près des riverains, à quelques centaines de mètres des écoles maternelles et élémentaires de Moulineaux ?!


5 - À rebours des politiques agricoles du « monde d’après »

Ce projet est en totale contradiction avec la politique agricole de filières courtes, de production saine et locale pour satisfaire les besoins de la population proche. Les 800 000 t de sucre produits sont exclusivement destinées à l’export ! On connaît bien par ailleurs les effets dévastateurs sur la santé de la surconsommation de sucre ultra raffiné de nos sociétés « modernes ».

Plusieurs études montrent ces dernières années la baisse inquiétante du niveau d’indépendance alimentaire de la France. N’est-ce pas plus responsable d’œuvrer à retrouver une souveraineté alimentaire (dans tous les secteurs de l’agriculture) plutôt que de produire du sucre de betterave de façon totalement excédentaire à nos besoins ?


Les 50 000 ha de terres nécessaires à alimenter une telle usine ne pourraient-ils pas être utilisés pour limiter notre dépendance aux importations des certaines denrées comme c’est le cas pour les fruits et les légumes ?


6 - Les sucreries françaises en danger

Il a été dit et répété lors de la conférence de presse de présentation de la candidature AKS du 17 mars que l’industriel de Dubaï créerait 300 emplois. C’est l’argument choc ! Mais combien pourrait-il en détruire dans les sucreries existantes et les communes alentour ?

Plusieurs sucreries françaises à taille humaine ont fermé ces dernières années. Ce projet n’est-il pas une menace manifeste pour la survie des 21 sucreries restantes en France ? Depuis 2017 et la fin des quotas de production dans l’Union européenne, l’industrie sucrière française est en crise profonde en raison d’une forte surproduction européenne et mondiale, et également à cause des périodes de sécheresse toujours plus fréquentes et intenses du fait du changement climatique. Les sucreries de Nassandres dans l’Eure et de Cagny dans le Calvados ont toutes deux fermé en 2020. Le prix moyen de la tonne de sucre s’est effondré de 500 € en moyenne en 2017 à 290 € la tonne en 2019. Le Brésil, l’Inde, la Thaïlande et d’autres pays à bas coûts de main-d’œuvre inondent le marché mondial du sucre. Le Brésil et l’Inde produisent à eux deux 73% du sucre mondial. Dans ces conditions, comment l’implantation d’une sucrerie géante se justifie-t-elle en France et comment l’équilibre économique va-t-il pouvoir être trouvé en préservant les autres sucreries encore en activité ? Voir aussi l'avis du Directeur Général du groupe de sucreries Cristal Union publié dans la revue l'Union.


Les propos suivants du directeur du port de Rouen sont repris dans la presse : « Le sucre produit sera entièrement destiné à l’export vers l’Afrique du Nord, le sud de l’Europe et le Royaume Uni et ne viendra pas en concurrence de la filière sucrière existante ». C’est totalement faux ! Malgré ses difficultés, l’industrie sucrière française contribue positivement à la balance commerciale du pays. Sur la campagne sucrière 2019-2020, les exportations nettes (exportations-importations) ont représenté 45% de la production française de sucre. Le sucre est principalement exporté vers des pays de l’UE : Italie, Espagne, Royaume-Uni, Allemagne, et aussi en Afrique de l’Ouest, en Afrique du Nord et au Moyen Orient. On retrouve exactement les pays cibles de l’industriel de Dubaï, qui entrerait donc en concurrence directe avec les sucreries françaises existantes.

Le bouleversement des équilibres entre producteurs et sucreries serait très impactant sachant qu’il n’existe pas 50 000 ha de surface agricole supplémentaire pour la culture betteravière. Cette implantation serait donc en concurrence avec nos sucreries à la fois pour l’approvisionnement et pour l’export. Sachant que le nombre d’employés varie très peu en fonction de la capacité de production, la conséquence impliquerait une destruction d’emplois directs et indirects pour les usines et collectivités concernées. Il pourrait y avoir bien plus de licenciements que d’emplois créés et s’en suivrait un déséquilibre économique et social dans les « communes sucrières ».


7 - AKS : un groupe industriel qui pose question

Le profil de l’industriel dubaïote AKS pose question. L’entreprise familiale créée en 1992 ne possède à l’heure actuelle aucune sucrerie en activité, mais seulement une raffinerie de sucre à Dubaï. Elle y importe du sucre brut du Brésil, d’Inde, d’Australie, de Thaïlande, etc., le raffine et fournit le marché du Moyen-Orient en sucre raffiné blanc. C’est à ses dires la plus grande raffinerie du monde…

Depuis une dizaine d’années, l’industriel a le projet de la plus grande sucrerie de betteraves du monde…en Égypte, à Al Minya, ville située à 250 km au sud du Caire. La mise en service a plusieurs fois été retardée, notamment en raison de conflits causés par les gigantesques droits d’eau nécessaires à l’irrigation des champs de betteraves, dans un pays où les ressources en eau sont sous tension, notamment en raison du changement climatique, de l’accroissement de la population, du développement de l’agriculture et d’un grand barrage réalisé récemment à l’amont du Nil, en Éthiopie. Trois cents forages doivent être réalisés pour pomper l’eau de la nappe alluviale du Nil pour irriguer les betteraves destinées à la future sucrerie. Aux dernières nouvelles, l’usine devrait entrer en activité en 2022. À suivre… Nous sommes curieux de savoir comment les betteraves poussent en Égypte, quand on constate en France que cette culture doit, pour des raisons climatiques, se limiter au nord de la Loire, voire maintenant au nord de la Seine du fait de l’évolution du climat…


AKS semble peu préoccupé de développement durable ni de modèle économique raisonné et respectueux de l’environnement au sens large.


Et maintenant cette création de la plus grande sucrerie d’Europe ! Moulineaux est la troisième tentative d’implantation, après celles au Royaume-Uni, dans le Yorkshire, en 2017, puis celle à Mérida, dans le sud de l’Espagne. La profession sucrière de la région de Mérida avait considéré que le projet n’était pas viable. La empresa Azucarera ve el proyecto de Mérida « inviable » | Hoy « Quiconque s’y connait en agronomie sait qu’il faut de nombreuses années pour obtenir un développement durable de la culture de la betterave, et en Extrémadure (région de Mérida), cela fait vingt ans qu’elle ne se cultive plus. »

Ceci dit, l’industriel n’a pas renoncé à son projet espagnol et avance actuellement avec deux projets de méga sucreries, l’une espagnole, l’autre française. On peut lire dans la presse ses récents propos : « Le projet de Mérida continue…Il n’est pas incompatible d’avoir deux sucreries : l’une en Espagne, l’autre en France. »

Laquelle de ces deux méga sucreries sera la plus grande d’Europe ? Le suspense est insoutenable, et le délire est total !


Quelle garantie a-t-on de ne pas voir à Moulineaux ce que l’industriel AKS fait à Dubaï, et a prévu de faire en Espagne : importer du sucre brut à bas coût, le raffiner et inonder le marché européen de sucre blanc à un prix défiant toute la concurrence des sucreries existantes ?

L’implantation de l’usine en zone portuaire prendrait alors tout son sens…

Et, pour compléter le tableau, on apprend dans la presse anglaise que la filiale d’AKS qui réalise les investissements à l’étranger, la société Al Khaleej International, est domiciliée dans les îles Caïman, célèbre paradis fiscal…


Comment Haropa, les présidents de la Région et de la Métropole, peuvent-ils soutenir une telle candidature ?



8 - Le bioéthanol une solution ou un pis aller ?

Le site industriel produirait également du bioéthanol par distillation. Le bioéthanol peut être produit à partir de la mélasse, qui est le sirop de basse pureté issu de la centrifugation, ou à partir de tout le sirop de sucre. Dans ce dernier cas, il n’y a plus de production de sucre, mais seulement de bioéthanol.

Utiliser des terres agricoles fertiles pour produire du carburant est une aberration. Les terres agricoles doivent nourrir les gens, pas les moteurs.


9 - Les vraies fausses démarches vertueuses

Haropa fait l’éloge du projet au motif qu’il produirait aussi du biogaz qui serait recyclé pour faire fonctionner la chaudière. Quelle nouveauté ! Toutes les sucreries modernes développent ce procédé de fabrication de biogaz par méthanisation des vinasses et des pulpes.

Et le méthaniseur serait également alimenté par du bois. Vu les quantités nécessaires, il y aurait de sérieuses tensions sur le marché du bois, déjà très sollicité pour le chauffage des particuliers et les chaufferies collectives. Où trouvera-t-on le bois manquant ?



10 - Les problèmes environnementaux liés à la culture de la betterave

La culture intensive de betteraves pose de sérieux problèmes environnementaux. Elle nécessite d’énormes quantités d’intrants chimiques notamment les NÉONICOTINOÏDES tueurs d’abeilles, interdits au niveau européen en 2018 puis ré-autorisés par le gouvernement français en 2020 (dérogation de trois ans qui peut être prolongée…en attendant les solutions alternatives)

Alors même que chacun sait que la chute de population des abeilles est alarmante et engendrera à moyen terme des conséquences catastrophiques sur l’écologie et l’agriculture mondiale.


Est-ce ce modèle d’agriculture intensive que nos décideurs souhaitent encore encourager ?


11 - Les autorisations administratives qui modifieraient totalement l’impact du P.L.U.i sur les villages et les habitants

Enfin, il est important d’indiquer que le projet n’est pas conforme aux dispositions du Plan Local d’Urbanisme Intercommunal – P.L.U.i – de la Métropole (fig.8), et nécessiterait au moins trois modifications de ce document, avec consultation et enquête publique.


Figure 8: PLUi -Village de Moulineaux

- Le secteur de 25 ha en aval se décompose en 2 zones à urbaniser (ZAU) avec :

  • Une première modification pour la zone 1AU (17 ha environ) prévue actuellement pour l'accueil d'entrepôts logistiques et non pour une activité industrielle.
  • Une deuxième modification pour la Zone 2AU (8 ha environ, fig.9 & 10), prévue pour une activité à venir non définie mais sur le long terme, et devant maintenant être mobilisée tout de suite pour cette implantation.
  • Ces modifications du PLUI paraissent être en contradiction avec les exigences liées au site classé de la Boucle de Roumare et dans lequel est situé cet espace naturel de 25 ha.
- Une modification substantielle des hauteurs autorisées en UXI passant de 15/17 mètres à au moins 50 mètres.


Figure 9 : La zone 1AUXI et les habitations à proximité


Figure 10 : Vue sur la zone 2AUX et une partie de la zone 1 AUXi. On peut apercevoir en arrière-plan le château de Trémauville et l'église de Sahurs

De leur côté, l’État et HAROPA veulent faire avancer le dossier au pas de charge, poussé en cela par le porteur de projet Dubaïote qui va faire pression en brandissant son plan B qui serait de s’installer sur le site de Mérida en Espagne si la France lui complique trop la vie. Le préfet pourrait appliquer à la lettre et voire plus le rapport Guillot, sorti le 17 mars dernier, le même jour que l’annonce du projet de sucrerie, rapport intitulé « Simplifier et accélérer les implantations d’activités industrielles. »

Au titre de ce rapport, il faut notamment s’attendre à la suppression de l’inventaire sur un an pour l’étude faune flore et à l’anticipation de l’enquête publique. Le Préfet userait-il de son pouvoir renforcé pour faire autorité sur la direction de l’environnement, qui devrait pourtant être la seule autorité indépendante en matière d’environnement, en application de la directive européenne sur les études d’impact, et demander à ses services de police d’identifier et de juguler toute opposition. Cela semble déjà être entré en application avec la visite récente que la police a rendue à notre association. Mise en garde, intimidation, ou les deux ?



12 - Conclusion

On voit donc que ce projet n’est absolument pas réaliste et que sa concrétisation serait catastrophique :
  • Sur le plan social : Les emplois qui risquent d’être perdus dans le secteur sucrier régional et le bouleversement des familles habitant sur les communes alentour.
  • Sur le plan économique : Il y aurait un risque fort d’affaiblissement des sucreries régionales et des familles en dépendent. D’autant plus que les moyens publics mis à disposition de ces entreprises à taille humaine seraient probablement nettement moindre que ceux pour une entreprise qui se prétendrait être la plus grande d’Europe.
  • Sur le plan environnemental qui contrarierait les effets de la politique de protection en détruisant un site remarquable par la qualité de l’eau et du paysage.
La Métropole rouennaise se veut « capitale du Monde d’Après » ! Elle développe notamment un projet alimentaire territorial – PAT – qui vise à relocaliser l’alimentation sur son territoire. Ce projet de méga-sucrerie serait en pleine contradiction !

Notre association n’est pas opposée à la réutilisation des 50 hectares du site Renault par un projet viable économiquement et socialement, un projet qui respecte l’environnement, les paysages du site classé de la boucle de Roumare et la qualité de vie des riverains. Mais comment qualifier ce projet hors d’échelle qui détruirait le milieu de vie de plusieurs milliers d’habitants plus encore que l’image de marque de la Métropole Rouen Normandie ?



13 Le paysage et le patrimoine de la boucle de Roumare menacés




Le village de Moulineaux face à l’emprise du projet de sucrerie et méthaniseur (détourage jaune)


Moulineaux – Le hameau des Fontaines, riverain de la sucrerie et du méthaniseur


La rivière de Moulineaux et le ruisseau des Fontaines, l’identité de Moulineaux dans l’emprise du site industriel



Le château de Robert le Diable avec vue plongeante sur le four à chaux de 50 mètres et les bâtiments industriels de 30 mètres de haut


Vue sur La Bouille depuis Sahurs. Il y aurait une co visibilité très forte entre la sucrerie-méthaniseur et le village pittoresque


Vue depuis la rue de Seine à Sahurs (la flèche blanche indique l’étendue du projet avec des infrastructures qui émergeraient très fortement)

De nombreux monuments remarquables proches ou en vis-à-vis avec le site industriel


Château de Trémauville (Classé MH)

Nouveau château de Soquence (Inscrit MH)

Ancien château de Soquence (Classé MH)

Eglise d’Hautot sur Seine (Classé MH)

Eglise de Sahurs (Classée MH)

Château d’Hautot sur Seine


14 Process industriel